Notre vaisseau s’est posé sur la planète Lauca Chili après un voyage de 14 ans au travers de la galaxie Antarès 265. Un voyage semi-hypnotique durant lequel le seul but était la survie des 10 personnes à bord grâce à la technique d’hibernation développée par la NASA en 2078 en s’inspirant du processus développé par rana sylvatica, la grenouille des bois (qui vit en Alaska et a la particularité de pouvoir survivre complètement congelée)

La planète Lauca Chili avait été identifiée comme probablement habitable pour l’espèce humaine (atmosphère respirable, présence d’eau liquide), et abritant une forme de vie, indispensable pour espérer une future source de nourriture après l’épuisement des réserves du vaisseau. Car à part quelques espèces de plantes comestibles, nous n’avions pu emmener aucune espèce animale dans notre long voyage.

Lauca Chili : un monde aride et minéral

Quelle n’est pas notre surprise lorsque nous découvrons la surface de Lauca Chili : un monde minéral, inerte.

parc lauca au chili

Certes l’atmosphère est respirable, bien qu’abondamment chargé en gaz carbonique. Mais la beauté des lieux n’a d’égal que son aridité. Pas une goutte de pluie après 53 jours passés ici…

Au jour 62, une lueur d’espoir apparaît sur nos écrans de contrôle : la sonde que nous avons envoyée pour explorer la planète nous envoie l’image ci-dessous :

parc lauca putre

Ce n’est qu’à 215 kms de notre position actuelle. Nous nous dirigeons donc vers ces étranges boules vertes à bord de tous nos véhicules terrestres pour établir un camp sur place. C’est la première fois que nous quittons le vaisseau pour plusieurs jours, le stress est palpable dans l’équipe. Pour ma part, l’excitation de l’exploration prend le dessus, me rappelant les nombreux voyages que j’effectuais sur Terre dans ma jeunesse.

Lauca Chili : un lieu aux formes de vie étranges

A peine arrivés sur le site, une nouvelle bonne surprise nous accueille : un animal surgit au milieu des boules vertes ! Cette fois, c’est l’explosion de joie parmi les explorateurs. Miguel, qui vient du Chili, baptise cet animal « vicuña » (ou vigogne), car il lui rappelle un peu un specimen de son pays.

parc lauca vigogne

Nous nous empressons de le capturer et de le mettre sous quarantaine pour effectuer tous les tests nécessaires (dangerosité, toxicité). Puis, tous les voyants étant au vert, nous préparons un bon barbecue pour le déguster (vieux réflexe humain primitif). Cela nous semble délicieux. Cela fait 14 ans que nous n’avons pas mangé de viande fraiche!

Jour 75. Le moral est retombé. Toutes les tentatives pour domestiquer les vigognes se sont avérées des échecs cuisants : l’animal se laisse mourir ou même se suicide en se jetant contre les murs après quelques jours de captivité. Nous n’arriverons probablement pas à en faire une source de nourriture fiable, d’autant que le nombre d’individus sur la planète est très réduit : à peine quelques dizaines, faute de beaucoup de nourriture (les fameuses boules vertes) disponible.

Concernant les boules vertes : à défaut d’être comestibles, elles peuvent servir de combustible correct pour entretenir un feu.

Jour 91. Nos espoirs de survie s’amenuisent. La sonde a maintenant exploré toute la surface de la planète Lauca Chili, et n’a trouvé qu’une seule autre manifestation de vie, ces cathédrales de boue :

cathedrale boue

Elles sont en fait construites par cet insecte étrange.

insecte bizarre

Un specimen, rapporté par la sonde a été analysé et tout de suite identifié comme vénéneux et donc dangereux pour l’homme, surtout en grand nombre. Nous ne savons pas combien de specimen de cet insecte abritent ces espèces de termitières, mais elles sont géantes (plusieurs mètres de haut et étendues sur plusieurs kilomètres…), ce qui laisse présumer des milliers… Nous éviterons donc toute relation insectueuse dans ces contrées.

Jour 106. La température chute et entraîne avec elle le moral en-dessous de zéro. Nous savons désormais que notre colonie ne survivra pas à Lauca Chili. Les ressources de nourriture ne sont pas suffisantes et nos réserves s’épuisent.

Notre vaisseau n’ayant pas assez d’énergie pour s’extraire de la gravité de la planète, puis reparcourir l’espace (de toute façon, pour aller où?), la procédure dans ce cas de figure est de retourner dans nos caissons d’hibernation. Attendre un hypothétique jour où d’autres humains ou êtres « intelligents » viendraient sur Lauca Chili nous libérer. Les membres de l’équipage se préparent un à un à rentrer dans ce qui sera sans doute notre dernier sommeil.

Raisons de notre voyage sur Lauca Chili

C’est alors que je repense au contexte qui a déterminé notre prise de risque insensée pour effectuer ce voyage spatiale.

Quatre vaisseaux identiques au nôtre ont pu quitter la Terre, en urgence, depuis le continent américain, un an après le déclenchement des guerres de religion partout en Europe, en Afrique et en Asie, en 2086.

L’Homme a créé Dieu à son image, et Dieu le lui a bien rendu. La folie meurtrière était habituelle si l’on se réfère à l’histoire de l’humanité, mais la technologie du 21e siècle était potentiellement si destructrice que les dirigeants des Etats Confédérés d’Amérique (englobant toute l’Amérique du Nord jusqu’au Sud) ont décidé de lancer une expédition spatiale de la dernière chance lorsque l’Etat Islamique a déclaré une guerre totale aux impies en menaçant d’utiliser tous les types d’armes à sa disposition. Et des armes dangereuses, il en avait, puisqu’il possédait toute la technologie européenne en la matière.

Je reparcours les coupures de presse électroniques de mon ordinateur de bord qui me rappellent comment nous en étions arrivés là :

En 2060, grâce à la démographie, la principale religion du continent européen, (et d’ailleurs de toute l’Afrique, la Russie et l’Asie, hormis la Chine) était l’Islam. Cinq ans plus tard, un parti islamiste « modéré » arrivait au pouvoir par la démocratie. Une certaine panique s’est alors emparée de la population non musulmane européenne. La partie la plus aisée a fui vers l’Amérique, tandis que l’autre s’est peu à peu convertie ou s’est retrouvée dans un état de dhimitude (citoyenneté de seconde zone accordée aux non-musulmans traditionnellement dans toutes sociétés dominée par l’Islam)

La confiance (et la folie) s’est alors emparée de la frange dure du nouvel Etat Islamique qui se radicalisait en même temps qu’il s’étendait à toute l’Eurasie : ils ont déclenché par surprise une pluie d’explosions atomiques sur la Chine, qui était à portée de missiles. En un clin d’oeil, la Chine avait disparu de la carte…

C’est alors que les gouvernements des Etats Confédérés d’Amérique, en même temps qu’ils organisaient la riposte, ont lancé cette mission spatiale désespérée

Le plus pathétique quand je repense aux décennies qui ont précédé la guerre totale, c’est que presque toute l’« intelligence » humaine a été absorbée pendant cette période par une présence divinatoire hypothétique, alors que les problèmes à résoudre (d’épuisement des ressources, de pollution, etc) étaient immenses et vitaux.

Je referme mon ordinateur de bord, et regarde par la fenêtre la couche de neige carbonique qui a recouvert les montagnes alentour.

suriplaza chili

C’est beau. Et morne. Je suis triste et nostalgique. Mes deux pays, la France, et la Suisse, où il faisait autrefois bon vivre, me manquent terriblement à cet instant…

Si Dieu existe, il ne nous fait pas de cadeaux.

S’il n’existe pas, C’EST LA PLUS MAUVAISE IDEE DE TOUS LES TEMPS…

ps : Toutes les images de cette histoire ont été prises dans le parc Lauca, au Chili, sauf les cathédrales de boue. Les vigognes sont effectivement des animaux non domesticables (ils se laissent mourir en captivité).

Commentaires