Partons explorer le fleuve Amazone au travers d’un récit de croisière en catamaran…

Depuis toujours, l’Amazonie est la face cachée de notre monde, la frontière intacte. De façon rationnelle, on peut la décrire : un territoire de 6 millions de kilomètres carrés, en grande partie recouvert par une forêt équatoriale, abritant le quart des espèces d’oiseaux de la planète, contenant le cinquième de l’eau douce du globe, et ainsi de suite. C’est beaucoup et bien peu. L’Amazonie est d’abord la matrice de fantasmes innombrables, le pays de l’Eldorado, l’«Enfer vert» et le «poumon de la Terre». Par-dessus tout, l’ultime relique de Mère Nature, le dernier vestige de ce que fut le monde avant l’arrivée des Occidentaux. Plus qu’un espace sur la carte, une histoire dans la mémoire humaine. Un rêve.

Michel Braudeau. Le rêve Amazonien.

Ce récit de voyage nous est conté par mon cher ami Elliot, photographe et voyageur du monde, auteur d’un très beau livre de photographie que vous pouvez découvrir ici :

Rencontres en harmonies géométriques

Projet : remonter le fleuve Amazone en bateau

A cette époque, je vivais à Paris et dans le cercle de mes amis, j’avais rencontré Florence, une baroudeuse toujours à l’affût de nouvelles aventures. Elle était force de propositions pour de nombreux voyages. Mais la proposition émise au printemps 2009 était singulière. Si au départ, elle me laissa sans voix, intérieurement elle avait suscité une excitation en raison de son caractère hors du commun.

La proposition était simple : le but du voyage était de rejoindre les parents de Florence à bord de leur bateau, au coeur de l’Amazonie. Partis depuis quelques semaines pour une croisière sur le Rio Amazonas, fleuve mythique par excellence, ils nous attendaient à bord de leur catamaran au village d’Almeirhem. J’étais partant pour cette aventure sur le fleuve Amazone, ainsi que Claire, une autre amie.

amazone fleuve

Atteindre Almeirhem : village d’Amazonie au Brésil

Situé au coeur de la forêt amazonienne, le village de Almeirhem est uniquement accessible par bateau. Selon les guides de voyage, un minimum de trois jours de navigation est nécessaire depuis le port de Belem, situé à l’embouchure du fleuve.

Vol vers Belem et l’Amazonie brésilienne

La première étape de notre périple nous conduit en train à Frankfurt, d’où nous nous envolons vers l’Amazonie, via Rio de Janeiro, et… Paris. Paris, car pour les trois routards au budget limité que nous sommes, il est économiquement plus intéressant de décoller de cet aéroport allemand que depuis le hub parisien. La différence de prix est significative, plus de 400 euros.

Après plusieurs heures de vol, nous survolons Belem. A l’approche du sol, le tapis vert Amazonien surgit, et lorsque nous nous posons en fin de matinée, c’est un orage équatorial qui nous accueille. Heureusement, la pluie est de courte durée, mais bien vite nous ressentons la chaleur et l’humidité caractéristiques de cette région.

Patience avant l’embarquement pour Almeirhem

A présent, notre objectif consiste en l’acquisition de nos billets de bateau pour Almeirhem. Tant bien que mal, dans un portugais-brésilien précaire, nous achetons nos précieux sésames. Sur le vaste marché de la ville, nous nous ravitaillons en fruits et légumes afin d’affronter les journées de navigation qui nous attendent. Nous nous procurons aussi des hamacs, indispensables à la vie de bord, car ils constituent le seul moyen de se reposer.

Les courses faites, nous nous dirigeons vers l’embarcadère. Face à nous : un lancha, une embarcation typique du fleuve Amazone. Sur le pont inférieur, des dizaines de hamacs sont déjà installés, et bien que plusieurs heures nous séparent du départ, peu de places sont disponibles. Au fur et à mesure de l’embarquement des passagers, une dizaine de dockers débutent leur travail. Ce qui paraissent être des tonnes de marchandises sont chargées à la force des bras dans les cales du navire. Toutes ces provisions sont destinées aux différentes communautés établies sur les berges du fleuve Amazone. Avec impatience, nous attendons la fin du chargement, synonyme de départ, mais celui-là parait interminable.

lancha rio amazonas

L’équipage nous assure que la durée de notre voyage sera seulement de 3 à 5 jours, en fonction des conditions de navigation. Nous espérons seulement arriver à temps à notre lieu de rendez-vous avec les parents de Florence. Face à tant d’incertitudes, nous prenons notre mal en patience. Finalement, vers 21 heures, alors que la nuit est déjà tombée, l’embarcation quitte enfin le quai et les lumières du port de Belem s’éloignent. Ca y est ! Nous naviguons sur le Rio Amazonas, notre périple a réellement débuté.

Vie à bord d’un lancha en Amazonie brésilienne

La buvette du pont supérieur accueille les passagers, et des liens se créent. La « cerveja » est la boisson à bord. A la vue du débit consommé, je m’interroge sur la suffisance des quantités embarquées par les dockers. Plus la nuit avance, plus les voyageurs fatigués s’installent dans leurs hamacs. Le bateau s’endort pour sa première nuit sur le fleuve Amazone, bercé par le roulis des vagues et le ronflement des moteurs.

amazonie brésilienne

Au matin du premier jour, alors que nous naviguons dans les méandres du fleuve, des pirogues rejoignent les flans du lancha et s’y amarrent. Rapidement, des dizaines d’adolescents et d’enfants se hissent à bord.

Le spectacle est ahurissant. Ils viennent vendre des produits locaux et des mets en échange de quelques reals (la monnaie brésilienne).

Les journées sont longues sur l’embarcation, bien que nous traversions des paysages magnifiques. Les activités sont peu nombreuses, rien de comparable à une croisière en Méditerranée. Sur mon hamac, j’en profite pour lire, notamment le livre de Michel Braudeau, le rêve amazonien.

Le reste de notre temps est consacré à siroter des jus de noix de coco à la buvette, ou à s’émerveiller des découvertes qu’offre chaque méandre du fleuve Amazone. Aux heures de repas, la feijoada, ce plat typique brésilien, composé de haricots rouge et de viande de boeuf, est servi sur le pont de la cantine.

C’est dans la nuit du 3ème jour que nous approchons d’Almeirhem. Nous retrouvons enfin les parents de F. à bord de leur catamaran.

Voguons en catamaran sur le fleuve Amazone, au coeur de la forêt amazonienne

Alter de Chao en Amazonie

bateau amazonie

Les jours qui suivent, nous naviguons à bord du catamaran, plus confortable que le lancha. Chacun d’entre nous dispose de sa cabine. Florence a l’habitude de naviguer, tandis que Claire et moi, nous jouons aux matelots, apprenons à faire des noeuds marins sous le regard vigilant du skipper, ou nettoyons le pont du voilier à grands coups de brosse et de jet d’eau. Après quelques jours de navigation, c’est dans la lagune d’ Alter de Chão que le catamaran jette l’ancre. Le paysage est paradisiaque. Un lagon de sable blanc parsemé de bars et de buvettes où nous pouvons nous restaurer de poissons ou de poulpes grillés.

Baignade dans le fleuve Amazone

Quelques fois il nous arrive de plonger et de nager dans le fleuve Amazone, à notre réveil. Le courant y est tellement fort qu’il est indispensable de se tenir à une corde amarrée au navire. Rapidement, nous apprenons par les villageois qu’il est recommandé de nager en milieu de journée, lorsque les jakarés, ces crocodiles amazoniens et autres reptiles ou poissons sauvages ne sont plus à la recherche de « gibier ».

Les indiens d’Amazonie

Ces quelques jours dans le village Alter de Chão nous permettent de poser le pied à terre et d’explorer la forêt amazonienne et les communautés indiennes qui y sont installées.

Accompagnés d’un guide local, nous descendons, à bord d’un dinghy, le Rio Tapajos, un affluent de l’Amazone. Au confluent des deux fleuves, nous découvrons un spectacle magnifique. Les eaux bleuâtres et transparentes du Rio Tapajos s’écoulent aux cotés des eaux boueuses du Rio Amazonas sur plusieurs kilomètres, avant de s’y confondre. L’explication de ce phénomène, donnée par notre guide, me laisse perplexe, mais je la trouve très poétique. Selon lui, la composition chimique de l’eau de l’Amazone est différente, et empêche le mélange : le fleuve Amazone contiendrait une molécule d’oxygène en plus, la molécule de la vie.

Nous accostons sur les berges du fleuve où des communautés se sont installées depuis plusieurs années.

indiens amazonie

Ces familles paysannes sont issues des migrations en provenance du Sud et du Sud-est du pays. Sous l’impulsion de décisions politiques diverses, elles ont colonisé l’Amazonie dans les années 60-70 grâce à diverses incitations foncières et financières. Elles ont généralement eu accès à la terre en bénéficiant d’un lot attribué par l’Etat. Si par le passé, l’installation de ces petits fermiers a entraîné une déforestation intense, notre guide nous explique qu’aujourd’hui, sous les pressions nationales et internationales et avec l’aide de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), le développement de ces communautés se voudrait durable. Ecologiquement, économiquement et socialement.

Les fermiers que nous visitons vivent de l’extraction de produits agricoles et forestiers, tel que le cacao ou le caoutchouc, n’entrainant pas une perte de la biodiversité. Face aux difficultés économiques liées à la dureté du climat et aux aléas du marché, ils apprennent à diversifier leurs revenus, et à valoriser par eux-mêmes leur production, notamment avec les routards de passage : une forme d’éco-tourisme.

peuple indien

Isolées, ces communautés sont éloignées de l’état central et des grandes villes. Pour palier un système éducatif déficient, le gouvernement a instauré l’enseignement par le biais de programmes de télévision. Les cours, dispensés depuis les grandes villes, sont filmés et retransmis à la télévision. Dans cette région du monde, chaque communauté dispose au moins d’un téléviseur, et il suffit d’un groupe électrogène ou de quelques panneaux solaires pour assurer leur fonctionnement. Tout au long de notre périple, nous avons dénombré de nombreuses communautés indiennes disposant d’antennes satellites.

Les maladies, et notamment la malaria, sont une des principales préoccupations dans cette région du monde.

Toutes ces communautés localisées le long du fleuve nécessitent des soins. Régulièrement, le bateau-hôpital de Terre des Hommes, que nous croisons et visitons, remonte la rivière afin de soigner les populations.

De la jungle amazonienne vers la jungle … parisienne

Voilà déjà quinze jours que nous avons quitté Paris. La ville la plus proche est Santarem situé à 2 heures de route dans la forêt. Depuis l’aéroport, nous rejoignons Belem, et regagnons Rio et Paris. Dans nos bagages, un immense jakaré (crocodile) sculpté dans du bois, le seul specimen que nous ayons réellement vu.

Si je garde un magnifique souvenir de ce voyage sur le fleuve amazone, et de cette région du monde si méconnue, je me suis rendu compte de l’immense travail réalisé par les ONG qui mènent de nombreux projets afin d’assurer aux populations du fleuve une instruction, des soins et un développement durable.

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