Parmi les pays andins, la Bolivie offre de belles possibilités d’ascensions de sommets de plus de 6000m. Le Huayna Potosi est l’un des plus réputés d’entre eux, car facile d’accès depuis la capitale La Paz, et disposant de plusieurs refuges.

L’ascension du Huayna Potosi se fait généralement sur deux jours, j’ai choisi d’en ajouter un troisième en grimpant le Charquini (5390m), tout proche, le premier jour (pour l’acclimatation et l’entrainement).

Voici comment se sont passés les deux jours d’ascension du Huayna Potosi. Mais tout d’abord, un petit point sur le mal de l’altitude.

Eviter le mal des montagnes ou mal de l’altitude

Quelques petits conseils afin de diminuer le risque de mal aigu des montagnes :

  • séjourner en altitude (autour de 3000 à 4000m si possible) quelques jours avant l’ascension du 6000,
  • boire beaucoup d’eau tout au long de la montée,
  • boire du « mate de coca » (décoction de feuilles de coca),
  • éventuellement, un traitement du mal des montagnes existe maintenant : le Diamox. Il aide, mais ne garantit pas à 100% que vous ne serez pas malade.

Vers le camp d’altitude du Huayna Potosi à 5300m

aventures andines

Le camp d’altitude (5300m)

La première journée est censée être tranquille :

  • Trois heures seulement de montée du camp de base (4624m) au camp d’altitude (5300m), situé sur un langue rocheuse qui monte entre les glaciers.
  • Départ vers 13h, donc possibilité de se reposer le matin (et de bien récupérer de notre ascension du Charquini de la veille)
  • Randonnée en chaussures normales, sans bottes ni équipement de haute montagne.

Cependant, j’avoue que j’ai trouvé cette ascension fatigante (j’ai même trouvé que c’était le jour le plus difficile des trois!) , pour deux raisons essentielles :

  • Le poids de mon sac qui contenait tout le matériel de haute montagne, ainsi que l’eau pour les deux jours, et divers autres détails (crème solaire, etc)
  • La randonnée sur pierres, c’est plus dur que sur glace, ce n’est jamais stable et la hauteur des pas est irrégulière à cause des obstacles permanents.

Nous partons en fait à 13h30, car la grêle s’est mise à tomber vers 12h, et le guide a voulu attendre jusqu’au dernier moment possible qu’elle s’arrête. Nous faisons finalement toute la montée sous une fine grêle et des nuages épais, et du coup les pierres sont glissantes. Aucun plaisir.

Arrivé au camp, après, effectivement, 3 heures de marche, je me sens moyen. Pas d’appétit. Je refuse les pâtes et saucisses que le guide a préparées (il faut dire que 17h pour dîner, c’est un peu tôt..) Je me sens mal parti pour le lendemain, mais finalement, après 2 heures de repos, ça va déjà mieux.

J’écoute le briefing du guide Celestino avec un certain enthousiasme.

Ascension Huayna Potosi

Voici le plan d’attaque décrit par le guide :

  • Lever à minuit trente : trente minutes pour s’équiper, trente minutes pour petit-déjeuner, puis départ à 1h30.
  • Si on se rend compte qu’on ne peut pas être au sommet avant 7h, on fait demi-tour… En effet, il ne faut pas redescendre trop tard car le risque d’avalanches et d’effondrement de ponts de glace au-dessus des crevasses augmente beaucoup au lever du soleil, avec la chaleur. Petite pression…
  • Les deux Américains partiront encordés avec Celestino ; l’Anglais et moi avec Mario, le 2e guide.
  • Si l’un des encordés est trop fatigué et ne peut plus avancer, c’est toute la cordée de 3 qui fait demi-tour… Petite pression supplémentaire…

Voilà, sur ce, bonne (courte) nuit : coucher à 18h !

Lever à l’aube, objectif : altitude 6000

Que c’est bon de s’allonger et de reposer ses muscles…. Même si je ne ferme pas l’oeil de la nuit (c’est très fréquent, avec l’altitude, de ne pas pouvoir dormir, surtout à plus de 5000m), je serais quand même bien resté allongé plus longtemps…

Tout se passe dans le timing établi. Je mange un bout de pain / confiture trempé dans du mate de coca, je n’ai pas vraiment faim. Pourtant, ça fait un bout de temps que je n’ai rien mangé de sérieux (depuis la veille à midi). Mais bon, les deux Snickers dans mon sac assurent une présence calorique et psychologique réconfortante.

Par contre, je me gave de mate de coca, … avec tout de même une inquiétude : si je bois trop, je vais uriner tous les 1/4 h… Je me vois mal interrompre la cordée, et en plus comment vais-je faire? J’ai trois pantalons (un pantalon thermique, mon pantalon de rando, et un surpantalon imperméable), plus le harnais…

Finalement, l’envie d’uriner n’arrive que deux fois lors de l’ascension puis la descente, et c’est la première fois que je réalise l’utilité énorme de cette petite poche sur le devant du boxer (et du pantalon thermique). Ecarter le harnais, fermeture éclair, fermeture éclair, poche, poche, puis manoeuvre en sens inverse. Parfait.

J’admire les femmes qui réalisent l’ascension, non seulement pour la difficulté physique, mais également pour la petite contrainte pratique supplémentaire…

Ascension nocturne sur le glacier du Huayna Potosi

Cette fois, le sac est léger : uniquement une bouteille d’eau, deux Snickers, une crème solaire, des lunettes de soleil, et une couverture de survie. On porte en effet tout l’équipement de haute montagne (crampons, harnais, piolet, etc) directement sur nous.

Ça monte tranquille, c’est fluide, la neige est fraiche, on devine les douces collines de glace autour de nous dans le noir. Le rythme des petits pas est bon, on double deux autres groupes. Mon pote anglais et moi sommes d’accord, c’est vraiment plaisant cette ascension à la frontale.

Puis, à 5700m d’altitude, vient le premier test de la journée : un mur de glace d’une quinzaine de mètres de hauteur, pour « enjamber » une crevasse. C’est la première fois que je monte un truc aussi raide… (l’escalade, c’est pas mon truc, j’ai le vertige). Mario passe devant, puis bientôt c’est mon tour. Le rythme cardiaque s’accélère avant même le début de l’effort…

Allez, je lance mon piolet, et me hisse, c’est parti. Il faut vraiment tout planter à fond, le piolet, les crampons, et en bonne coordination. C’est là que la plupart des personnes abandonnent : elles sont déjà épuisées avec l’altitude et cet effort supplémentaire est impossible pour elles.

Pour ma part, j’ai commis une erreur qui va se révéler fatale…pour ma lampe frontale : j’ai oublié de passer la sangle sous le casque. Mario décroche quelques blocs de glace dans son ascension au-dessus de moi, et ceux-ci, en percutant mon casque, éjectent ma lampe frontale qui finit dans la crevasse.

Pas très grave, je suis au milieu de la cordée, entre deux lampes, et d’ici une heure l’aube arrive.

Huayna Potosi : cime vertigineuse, en plus du manque d’oxygène

marche sur glacier

Et quelle aube…! Déjà notre montée sur le glacier avait été accompagnée par les lumières de La Paz au loin. Lorsque les premières lueurs du jour apparaissent, elles teintent la glace d’un bleu sombre et l’horizon d’un orange flamboyant, laissant apparaître quelques sommets et une mer de nuages…

altitude oxygene

Au loin, la Cordillère Royale…

C’est sans doute pour nous encourager avant l’épreuve ultime : de 6000 à 6088m, sur la cime, il faut parcourir une arête effilée comme un rasoir…

Dieu a eu besoin, il y a quelques millions d’années, d’un rasoir pour sa barbe de nuages, qui à cette altitude le gênait beaucoup. Il a donc commandé à sa copine « tectonique » un rasoir en pierre bien tranchant, nommé Huayna Potosi (c’est pas une légende mystique locale, c’est moi qui vient de l’inventer) ahah.

Bref, tout ça pour dire que la nature ne nous fait pas toujours de cadeau. Avant de se dévoiler sous ses plus beaux atours, elle nous réserve quelques tests, et il faut la mériter. Une largeur d’une vingtaine de centimètres (de quoi mettre deux bottes, pas plus), 1000 mètres de vide d’un côté, 400 mètres de l’autre.

Les parcs d’attraction peuvent plancher sur des manèges de plus en plus flippants, jamais je n’aurai aussi peur que ce jour.

La stratégie anti-vertige est donc de ne pas regarder en bas… Regarder uniquement ses pieds, c’est bien gentil, mais parfois, ça grimpe fort, et on doit avancer en biais, et à ce moment, la tête et le regard se portent sur le côté, donc on est OBLIGE de regarder le vide. Car on ne peut pas non plus regarder l’horizon, non qu’il soit laid, mais il faut regarder où l’on va… Donc le regard se perd entre les pieds et le vide, c’est la première fois que je regrette d’avoir une vision aussi large et panoramique.

Quelques dizaines de minutes plus tard… Yoopi ! Le sommet est atteint !

Finalement, on est bien en avance sur le timing : à 5h30 au sommet, au lieu des 6h30 / 7h prévus.

Une plateforme trop petite nous accueille, de même qu’un panorama trop large. On a le tournis à force de regarder tout autour. Quelle que soit la direction, c’est fabuleux (voir la photo de couverture de l’article) :

  • La Cordillère Royale d’un côté (on la voit bien sur la photo ci-dessus avec la crête)
  • La Paz, et le Nevado Illimani qui se détache,
  • Le lac Titicaca d’un autre côté,
  • Une mer de nuages au loin…

Il faut immortaliser le moment, hélas assez rapidement. Les groupes se succèdent, la plateforme est trop petite, il faut laisser sa place.

marche sur glacier

Le soulagement n’est que de courte durée : la descente de l’arête effilée est bien plus impressionnante que la montée…. surtout lorsqu’il faut croiser d’autres cordées qui montent sur l’arête…..

Voici une video prise lors de la redescente de la crête du Huayna Potosi : la joie d’être arrivé au sommet et la fatigue ne doivent pas occulter la concentration pour ne pas faire de faux pas…

Marche sur glacier

A la descente sur le glacier, toute la splendeur du paysage que nous pouvions seulement deviner dans l’obscurité à la montée se dévoile enfin.

amerique andine

Une immense étendue d’une blancheur immaculée (grâce aux chutes de neige de la veille, quelle chance!) s’étale devant nous, seulement déchirée ça et là par des crevasses monstrueuses mais néanmoins majestueuses.

Quel bonheur… : se balader à 6000m d’altitude, soulagé d’avoir vaincu définitivement la crête vertigineuse, relâcher l’effort et admirer le panorama des cimes rocheuses, neigeuses, ou nuageuses.

Soudain, une immense vague blanche surgit devant nous… on dirait qu’elle va bientôt se briser et dévaler la pente pour finir sa course sur la plage de sable blanc. Mais elle est figée là par la température glaciale, dans un espace-temps mille fois plus lent que le nôtre.

huayna potosi

La vague blanche, et tout au loin, le Nevado Illimani

J’ai pourtant bien l’impression d’être au bord d’un océan, ondulé et agité par d’innombrables vagues noires, blanches, ou laiteuses. Donnez moi de l’élan (et un parapente), que je puisse plonger, les survoler, les effleurer, et rester dans cet état d’apesanteur provoqué par l’altitude un peu plus longtemps… En écoutant par exemple une musique planante : Anokha, Soundz Of The Asian Underground…(écoutez-le en regardant les photos)

S’il n’y avait pas ces satanées crevasses (j’en dénombre une dizaine à traverser) qui nous pressent de passer assez vite avant de liquéfier leur pont, tout serait parfait.

Le manque de professionnalisme des guides de montagne boliviens

A 8h, on est déjà arrivé au camp d’altitude (5300m), le temps de récupérer certaines affaires et de se reposer une demi-heure.

Puis vient le moment le moins agréable de la journée : la descente dans les pierres, jusqu’au camp de base (4624m), où un véhicule nous ramènera à La Paz.

J’en profite ici pour souligner un trait un peu choquant du comportement des guides de montagne boliviens : ils ne s’adaptent pas au rythme de la personne la plus lente. Ils sont toujours bien devant, souvent même hors de vue (le guide qui m’accompagnait au volcan Parinacota faisait pareil). On dirait qu’ils sont toujours assez pressés, et ils ne réalisent pas les difficultés éventuelles des personnes non habituées comme eux à la montagne. Il y a pourtant de nombreuses occasions de tomber sur le chemin : une poutre qui enjambe un torrent sur 10 mètres, des passages un peu vertigineux qui, avec la fatigue et l’instabilité des pierres, pourraient provoquer une chute grave. Si quelque chose arrive et qu’un client nécessite des soins de premiers secours, ils ne sont pas là, c’est clair.

Les agences qui vendent l’ascension du Huayna Potosi vantent l’expérience de leurs guides, mais « expérimentés » ne veut pas dire professionnels

En résumé, les agences sont assez négligentes et comptent sur les guides et chauffeurs pour rattraper leurs lacunes d’organisation, et les guides comptent sur l’agilité et la forme physique des clients pour que tout se passe bien…C’est un peu ça.

Ne comptez donc pas être rassurés ou sécurisés par ces guides de montagne, vous ressentirez plutôt une certaine pression afin qu’ils rentrent plus tôt chez eux ou aussi si vous n’êtes pas à la hauteur (dans ce cas ils n’hésiteront pas à vous dire de faire demi-tour).

Cela doit venir de la façon dont ils nous considèrent à la base : j’ai entendu Mario dire à l’un des Américains qui avait quelques difficultés : « tu es un gringo plein de fric »…

Huayna Potosi : sommet des andes, pas le plus facile à faire mais le plus pratique

altitude 6000

Le Huayna Potosi n’est pas le sommet de plus de 6000m le plus facile techniquement, loin de là :

  • les crevasses,
  • le mur de glace à 5700m d’altitude,
  • la crête vertigineuse et dangereuse

Tout cela en fait un réel défi pour l’aventurier de passage.

Néanmoins, sous réserve d’acclimatation à l’altitude correcte et d’une très bonne condition physique, ce sommet des andes est faisable pour une personne n’ayant même jamais fait d’alpinisme ou d’andinisme auparavant!

De plus, logistiquement, il n’est qu’à une heure de route de La Paz, et des expéditions pour le Huayna Potosi partent tous les jours. J’ajouterais également que la présence de refuges rend le séjour un peu plus confortable, par rapport à la tente nécessaire pour d’autres sommets.

Et puis…le paysage au sommet vaut bien quelques efforts et frayeurs, non?

Alors…tenté(e) par l’ascension du Huayna Potosi? 🙂

Avant de partir pour ce genre d’aventures à l’étranger, n’omettez pas de vous renseigner sur une bonne compagnie d’assistance et rapatriement!

Au fait : l’agence de voyage à La Paz que j’ai prise et qui finalement est plutôt à éviter est la suivante : Huayna Potosi (hé oui, elle s’est donnée le même nom que la montagne)

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