Jared Diamond, expert en géonomie, est vraiment un grand monsieur, dont j’admire beaucoup les travaux et recherches.
Son livre, De l’inégalité parmi les sociétés, dont je vais vous parler ici, m’a captivé car il aborde de manière facilement compréhensible anthropologie, sociologie, histoire, archéologie et biologie pour nous raconter l’histoire de l’humanité. Il bouscule les idées reçues et bat en brèche toute théorie raciste par un travail fouillé et précis sur cette épopée humaine et sociale. Pour sûr, cela a changé ma façon de voir les choses…
Je vous avais déjà parlé de son autre livre très intéressant, Effondrement dans un article sur l’île de Pâques. Jared Diamond y apporte un éclairage pertinent et bien documenté sur les raisons de l’effondrement de certaines civilisations.
Aujourd’hui, j’aimerais vous faire découvrir son récit scientifique (mais vulgarisé) de l’histoire de l’humanité. Il prend comme départ la date – 10 000 avant JC, période à laquelle l’être humain avait colonisé à peu près toutes les contrées et tous les biotopes terrestres. Je dis bien à peu près, car des régions comme la Nouvelle-Zélande n’ont vu les premiers humains arriver que vers 1200 après JC!!
Jared Diamond nous explique comment les différentes sociétés se sont développées de par le monde, et surtout, pourquoi elles n’ont pas eu les mêmes niveaux d’avancées technologiques. Ce qui a conduit à la domination des Européens lorsque les deux mondes (que l’on appelle Ancien Monde et Nouveau Monde) se sont rencontré vers 1500 après JC…
Le livre part d’une question toute simple : pourquoi ce ne sont pas les Incas (par exemple) qui ont asservi les Espagnols et les Européens, et conquis le monde, mais l’inverse..? Cette question a été posée à Jared par un chef de tribu papou lorsque le géonomiste a effectué des travaux de recherche ornithologiques en Papouasie.
Vous étiez-vous déjà posé la question? Voici la réponse et une excellente lecture de voyage si vous souhaitez connaître les détails. En voici un bref résumé.
L’histoire de l’humanité influencée par une chance géographique
C’est avant tout l’existence en Eurasie d’espèces de grands animaux domesticables (vaches, chevaux, moutons, chèvres) , ainsi que de nombreuses espèces végétales utiles (blé, avoine, légumes, etc) qui a déclenché le début de la sédentarisation et le passage de sociétés de chasseurs-cueilleurs à des sociétés organisées.
Les chasseurs-cueilleurs étaient entièrement occupés à chercher de la nourriture.
Une production agricole sédentaire a permis de libérer du temps pour une classe de la population qui a ainsi pu se consacrer à l’artisanat, à l’armée, à la politique, etc etc. Cela a été le point de départ crucial à l’émergence d’une civilisation avancée.
Les peuples de chasseurs-cueilleurs d’Australie, par exemple, n’ont pas eu cette chance et avait un environnement pauvre en ressources à leur disposition.
Les peuples d’Amérique du Sud, eux, n’avaient que le lama et le maïs. Ils ont développé des systèmes agricoles pointus, mais ont fait avec ce qu’ils avaient, c’est-à-dire peu d’espèces végétales et animales.
En Eurasie (vaste région englobant toute l’Europe et l’Asie), les premières avancées agricoles ont eu lieu dans la région du « Croissant fertile » (actuellement l’Iran, l’Irak, le proche Orient). Puis elles se sont répandues vers l’Ouest, en Europe, et vers l’Est, jusqu’à la Chine.
Une bonne transmission de la technologie sur le continent eurasiatique
L’histoire de l’humanité a été influencée par la disponibilité des animaux et plantes, mais également par les grands obstacles géographiques (mers, déserts, forêts impénétrables).
Tous les animaux domestiqués, les techniques agricoles, et par la suite les différentes percées technologiques (métaux, écriture, etc) ont pu bien circuler sur l’axe Est-Ouest en Eurasie.
Par contre, en Afrique par exemple, alors que l’Afrique du Nord avait accès aux avancées, le désert du Sahara et la forêt équatoriale plus au Sud ont été des obstacles importants à la communication entre les peuples, et donc à la diffusion des savoirs et connaissances.
De même la diffusion a été inexistante en Amérique, avec en premier lieu l’Atlantique comme obstacle. Puis plus tard, l’isthme de Panama et la forêt amazonienne ont aussi constitué des obstacles importants pour un flux des connaissances sur l’axe Nord – Sud.
En Océanie, les océans et mers immenses ont empêché les technologies que n’avaient pas pu développer les autochtones d’arriver depuis l’Eurasie jusqu’à eux.
Pourquoi l’Europe plutôt que la Chine ?
Une fois cette avancée eurasiatique établie, quels ont été les facteurs qui ont finalement donné l’impulsion finale aux Européens?
Tout d’abord, les peuples du Croissant fertile ont été victimes d’une sorte de « suicide écologique » : le climat local plutôt sec, et les sol fragiles n’ont pas permis la régénération des ressources après une déforestation intense. En Europe de l’Ouest, le climat est humide et les sols riches.
Petit à petit au cours de l’histoire de l’humanité, les grandes civilisations avancées se sont déplacées de l’Est vers l’Ouest (en ce qui concerne l’Ouest de l’Eurasie) : Mésopotamiens, Perses, Egyptiens, Turcs, Romains, Empires Occidentaux. L’écologie a eu un facteur déterminant dans le déclin des civilisations à l’Est de l’Europe (Moyen Orient).
Enfin, aux 15e et 16e siècle, les Chinois et Européens étaient à peu près à égalité concernant le développement technologique. Ce qui a fait la différence est la grande concurrence entre les peuples européens.
La Chine était depuis longtemps unie et gouvernée par une dynastie. Si un explorateur s’est heurté au refus de la dynastie au pouvoir, il n’avait personne d’autre vers qui se tournait pour financer et aider son exploration. Les Chinois n’avaient pas le désir d’aller explorer le monde pour conquérir et s’établir ailleurs, bien qu’ils en auraient eu les moyens (techniques, financiers).
En Europe de l’Ouest, le premier explorateur s’est vu essuyer 4 refus avant de finalement trouver son financement au Portugal, et en Espagne. Il a pu faire jouer les probabilités, ayant à sa disposition de nombreux centres de décision indépendants. Ensuite, les autres peuples européens voyant tous les bénéfices et les richesses que rapportaient les Portugais et Espagnols de leurs nouveaux territoires, se sont lancés à leur tour dans l’exploration et l’exploitation du monde (Anglais, Français essentiellement).
Histoire de l’humanité : un livre à mettre au programme scolaire !!
Cet ouvrage de Jared Diamond : De l’inégalité parmi les sociétés, qui retrace en fait l’histoire de toute l’humanité et explique ses divergences, est selon moi à mettre au programme scolaire pour les raisons suivantes :
- il est très bien documenté à partir de travaux archéologiques et anthropologiques, ce qui est une bonne introduction à ces sciences et montre bien leur intérêt concret (et pas seulement pour les musées poussiéreux) pour comprendre ce qu’il s’est passé au cours de l’humanité et comment se sont comportés les différentes civilisations,
- il bat en brèche de manière très argumenté toute idée de racisme ou de supériorité d’une race par rapport à une autre : c’est uniquement la chance géographique qui a donné l’impulsion initiale déterminante,
- il explique l’histoire de – 10 000 av. JC à 1500 après JC d’une manière non centrée sur l’Europe, mais avec un recul sur le monde entier.
De l’importance de la culture des peuples
Bien-sûr, la culture des civilisations a ensuite eu une influence sur leur survie, et sur leur développement, une fois les conditions environnementales établies. Et les caractéristiques développées par certaines cultures restent globalement un mystère.
Jared Diamond prend ainsi l’exemple de deux peuples d’Océanie, ayant à peu près les mêmes conditions de vie (même climat, même niveau de développement). L’un avait une culture conservatrice et a refusé les avancées venant de l’extérieur (comme les arcs et les flèches!), tandis que l’autre les a intégrés volontiers, et même de manière enthousiaste. Le premier peuple a disparu tandis que l’autre survit encore aujourd’hui.
La capacité des peuples à intégrer et adopter les progrès technologiques extérieurs a été déterminante dans leur développement. Mais pour les raisons de ces différences culturelles, aucune explication scientifique (basée sur des facteurs géographiques, climatiques, etc) ne peut être avancée. Cela reste un mystère propre au cerveau humain et à son immense diversité de modes de pensée…
Et vous, vous étiez-vous déjà intéressé à l’histoire de l’humanité à partir du tout début des premières civilisations humaines? Je vous conseille vraiment De l’inégalité parmi les sociétés, que j’ai dévoré comme jamais je n’avais dévoré un livre!